L'origine de cette chapelle peut facilement être reportée au XIè siècle. Comme nous l'avons déjà dit plus haut, elle fut, d'après la tradition, la paroisse commune aux habitants de Saint-Jeannet et de La Gaude. A dater de la construction de la première église spéciale à notre habitation, jusqu'en 1606, époque de l'érection de La Gaude en paroisse indépendante, elle demeurera à l'usage exclusif de cette dernière localité. Le service en était assuré par l'un des prêtres de Saint-Jeannet282•
Du Vair la visite en 1603 ; il rapporte qu'elle est bâtie proche du château distant de Saint-Jeannet d'un quart de lieue et qu'elle possède un petit retable du titulaire. En 1719, Bourchenu relate qu'elle est abandonnée et, comme le chemin en est « long et raboteux », il ne va pas la visiter.
Cet édifice, au choeur cintré en pierres de taille régulières fut vendu au cours de la Révolution à titre de bien national. La majeure partie en est encore debout. Elle sert de bâtiment agricole. Le défoncement des terres limitrophes a mis à découvert plusieurs tombeaux en briques et pierres tumulaires, ainsi que de nombreux squelettes. Nous avons été surpris du bon état de conservation de certains d' entr'eux déterrés sous nos yeux par l'un des propriétaires, M. Achard. Ces trouvailles démontrent d'une façon irrécusable que le cimetière était contigu à l'église comme presque partout ailleurs en ce temps-là.
282 Cfr. DOUBLET, Paroisses cant. Vence, loc, cit, p. 34
A. Eglise de San-Peïre. Cette ancienne église, -la première paroissse de la vieille Gaude, -dont la forme élégante, les jolies pierres galbées du choeur, attirent encore l'attention, en dépit des transformations modernistes, est située à l'intersection des anciens chemins de Gattières, du Var et de Saint-Jeannet. Voici la description qu'en donne M. Marius Gazielly, ingénieur civil :
« Son orientation est au levant absolu. Les murs ont 50 centimètres d'épaisseur, sauf dans le choeur où ils atteignent 0m 65. Sa largeur intérieure est de 5m. 20 et son axe longitudinal, calculé à l'intérieur des murs est de 6m. 70; le choeur y est compris pour 1m. 95. Elle est environnée d'un terre-plein, clos de murailles, qui prolonge de 8m. 60 le mur Nord de l'église; il est coupé à l'Ouest en angle droit par un mur d'une longueur de 10m. 50, non tout à fait en ligne droite. La clôture, sur la façade Sud du terre-plein comporte une ouverture de lm. 75 à la distance de 3m. 45 de l'angle Ouest, et à celle de 4m. 20 de l'angle Est. A ce dernier angle se dressse une niche dans laquelle se trouvait, il y a quelques années encore, une statue de Saint-Pierre. Enfin, à l'Est, une muraille de 5 m. 95 va rejoindre à peu près le milieu du choeur.»
« Un cimetière occupe les abords de la partie Est. La première chose qui frappe, dans l'église, est l'absence de porte dans l'axe longitudinal. Elle n'a cependant pas été raccourcie dans ce sens, l'angle Nord-Ouest étant encore absolument intact. Nulle trace, d'autre part, de murage de porte. Par contre, le mur Sud de l'église devait se prolonger un peu plus à l'Ouest ; il était encore percé de deux ouvertures, ayant été englobées dans des constructions, qui adhérèrent parfaitement à l'édifice, et dont l'une pouvait être un porche voûté ou un clocher, et l'autre une sacristie ou une petite habitation.
« Ces ouvertures latérales sont symptomatiques. Elles existent très souvent dans les églises des Templiers, notamment en Espagne et chez nous, avec ou sans une autre porte ailleurs.»
Comme les églises de cet ordre, celle de San-Peïre est construite en pierres
taillées, posées de l'une à l'autre - et non l'une sur l'autre, avec une régularité
parfaite, pour le choeur en particulier. La caractéristique de la façon est une
solidité extraordinaire. Les ouvertures, toujours rares, consistent ici en une seule
petite fenêtre en forme de meurtrière. Enfin le vocable de Saint-Pierre précise encore
l'empreinte des Templiers; cette appellation et d'autres encore qui auraient pu
paraître indifférentes ailleurs revêtent, ici, un singulier caractère de concordance.
Il est communément admis que la chapelle San Peïre est la première église paroissiale sur le sol de Saint-Jeannet.
En effet, elle dessert à l'époque de sa construction, au XIe siècle, les habitants du
hameau des Gaudes (Alagauda). Puis, outre les villageois qui sont restés proches
d'elle, ceux qui, par scission, ont fondé, au XIIIe siècle, le Castrum de Sancti
Johannis. Et ce jusqu'à la fin du XVe siècle, jussqu'au moment où le site des Gaudes
se trouve abandonné à cause de l'épidémie de peste, la Grande Mort (on a d'ailleurs
trouvé de nombreux ossements dans cette zone, témoignant de la présence d'un
cimetière), jusqu'au moment où la seconde Eglise paroissiale est construite à
l'emplacement de l'actuel «ancien cimetière", au sud-ouest du village.
Vendue à la Révolution comme bien national, la chapelle a été transformée en grange.
Aujourd'hui, propriété de la commune, ce petit chef-d'oeuvre de proportions et d'harmonie, au choeur cintré en pierres de taille régulières, attend d'être restauré.
Sur le point de savoir si la chapelle Sain Peïre pourrait être le fait des Templiers,
l'incertitude demeure. La façon dont elle est construite et le patronage de
Saint-Pierre sont des indices en faveur de cette thèse. Cependant, tout comme pour le
château de la Gaude, la date de son érection, au XIe siècle, demeure précoce par
rapport à l'installation de l'Ordre.